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Rugbymind
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2 février 2011

Le rite d’avant-match

Extrait:

L’avant-match est dans tous les sports collectifs un instant de communion. Une communauté se retrouve, se forme, pour faire face à l’enjeu et à l’adversaire. Le collectif, l’esprit d’équipe supplante l’individu. L’entraîneur va s’atteler à souder son groupe, pour ne faire qu’un. Dans bon nombre de sports collectifs, celui-ci devra certes s’attacher à motiver ses joueurs, mais il devra aussi prendre garde à leur garder lucidité, préserver leur compétence, leur maîtrise et pratique. Dans les vestiaires d’une équipe de rugby, cet instant de recherche d’harmonie est majoré par le dessein de sceller pas seulement les hommes, mais leur volonté de se surpasser dans le combat (le rugby n’est pas un sport d’opposition mais de confrontation).

Le rite identitaire, avec la remise des maillots aux couleurs du club, de la région, — symbole de l’esprit de territorialité —, le brassard de capitaine, est toujours teinté de gravité, voire de solennité. Le citoyen « rugbyman » doit admettre qu’il est maintenant un « soldat ». Un soldat qui va monter en première ligne, partir au front, se révéler courageux, valeureux et fier de la relique emblématique qu’il a endossée (l’amour du maillot). Mais cette raison guerrière n’est pas suffisante. Il faut aller au-delà. Atteindre le sublime, le titanesque et le transcendant.

Dans ce rite d’avant-match, le surpassement de soi n’est que la prémisse de la transe. Cette transe qui va conduire des joueurs à fouler aux pieds leur entraîneur qui s’est mis en travers de la porte des vestiaires, leur hurlant que « rien ne doit les arrêter », à déchiqueter une paillasse portant le maillot de l’équipe adverse, à cracher ou uriner sur des articles de presse vexatoires, ou encore Claude Spanghero, capitaine du grand Narbonne de 1981, qui avait enfermé ses troupes dans les vestiaires avant la demi-finale à Montferrand et jeté les clés par la fenêtre en clamant : « Si vous voulez gagner ce match, il va falloir sortir d’ici ». Et ses hommes de s’exécuter en défonçant la porte et ses montants à grands coups d’épaule et de cris rageurs.

En effet devant les effets pernicieux de ce rituel de passage du citoyen au guerrier, le Comité du Languedoc a décidé à partir des années 90 d’imposer aux équipes de se préparer et de s’échauffer dans leur composante totale en dehors des vestiaires, dans l’un des en-but et d’y rester jusqu’au coup d’envoi. L’intimité, le secret étant proscrits, le rite d’avant-match se trouva démuni de ses valeurs nourricières de transe. Le rugby y gagna de la sérénité et de la loyauté, mais perdit la finalité de ce rite, l’explosion de guerriers transcendés par « toucher l’impossible ». Les débuts de match sont désormais paisibles. Les arbitres s’en font une joie, mais le public a semble-t-il du mal à apprécier ces nouvelles conduites. Les traditions des « 5 premières minutes de boîtes à gifles » ne sont plus aujourd’hui dans notre Rugby d’Oc qu’un mythe.

Référence électronique:Jean-Bernard Marie Moles, « Le « corroborée » du rugby languedocien n’est plus que légende », Corps et culture [En ligne], Numéro 4 | 1999, mis en ligne le 24 septembre 2007, Consulté le 31 janvier 2011. URL : http://corpsetculture.revues.org/591

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